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Chemins universitaires vers les écoles vétérinaires en France : la voie licence, mode d’emploi

21 octobre 2025

Entre tradition et mutation : l’accès aux écoles vétérinaires françaises

Le métier de vétérinaire attire chaque année des milliers de jeunes passionnés désireux d’œuvrer pour la santé animale et la société. Pourtant, le parcours d’admission aux quatre écoles nationales vétérinaires françaises (ENV) – Alfort, Lyon, Nantes, Toulouse – reste complexe, et souvent mal compris. La voie royale, celle des classes préparatoires BCPST, demeure prédominante… mais un autre chemin existe, moins connu et pourtant ouvert à tous : la licence universitaire. Peut-on accéder à une école vétérinaire via ce cursus ? Comment cela se passe-t-il concrètement ? Pour qui cette voie est-elle adaptée ? Tour d’horizon rigoureux du paysage actuel.

La licence universitaire, une voie d’accès officielle mais exigeante

Depuis la réforme des concours d’entrée en écoles vétérinaires en 2021, le ministère de l’Agriculture et de la Souveraineté alimentaire, en lien avec l’enseignement supérieur, souhaite diversifier les profils des étudiants vétérinaires (source : Ministère de l'Agriculture). Aujourd’hui, trois grands types de concours régissent l’admission :

  • Le concours A (post-prépa BCPST)
  • Le concours B (post-licence universitaire scientifique)
  • Le concours C (post-BTS/DUT Agricole/Bio ou équivalent)

C’est le concours B qui concerne les titulaires d’une licence universitaire. Il n’est donc plus obligatoire – ni exclusif – de faire une « prépa véto » pour accéder à ces écoles. Mais la route « universitaire » comporte des spécificités et des défis à ne pas sous-estimer.

Paysage des licences éligibles : quelles filières universitaires ouvriront les portes ?

Toutes les licences ne se valent pas pour candidater aux ENV. Il s’agit ici, de manière privilégiée, des licences appartenant au champ des sciences de la vie :

  • Licence Sciences de la Vie
  • Licence Biologie
  • Licence Biochimie
  • Licence Sciences pour la Santé
  • Licence Sciences de la Terre et de l’Environnement (souvent acceptée)

Chaque année, la notice du concours B détaille précisément la liste des licences éligibles ainsi que les exigences en termes d’UE validées (ex : biologie cellulaire, physiologie animale, chimie organique). S’ajoutent parfois de nouvelles filières issues d’évolutions locales ou nationales, comme les licences pluridisciplinaires centrées sur la biologie animale ou l’écologie.

Concours B : fonctionnement, calendrier et chiffres clés

Le concours B est ouvert aux étudiants titulaires (ou en cours d’obtention) d’une licence adéquate, âgés de moins de 26 ans au 1er janvier de l’année de concours (cette limite, très débattue, exclut de nombreux reconvertis).

Calendrier :

  • Inscriptions en ligne : généralement de décembre à février
  • Admissibilité (épreuves écrites) : mars/avril
  • Admission (épreuves orales et dossier) : mai/juin
  • Résultats définitifs : juillet

Les épreuves écrites (admissibilité) portent sur des thématiques scientifiques pluridisciplinaires (biologie, mathématiques/statistiques, chimie, parfois anglais scientifique). Les oraux testent la motivation, la réflexion éthique, la connaissance du métier, et l’aptitude à argumenter (source : Concours-Véto officiel).

Chiffres d’admission :

  • Nombre de places ouvertes via concours B en 2024 : 196 (contre 465 via concours A, sur un total de 698 en 2024) Source : Ordre National des Vétérinaires
  • Nombre de candidats en 2023 : environ 2650 pour ces 196 places, soit un taux de réussite inférieur à 8%
  • Répartition par ENV : les lauréats du concours B sont répartis équitablement entre les quatre écoles (Alfort, Lyon, Nantes, Toulouse)

Il est donc essentiel de bien se préparer : la sélection reste rude. Toutefois, chaque année, des étudiants issus de licence témoignent de leur réussite, preuve de la viabilité de ce chemin.

Pourquoi choisir la voie universitaire ? Atouts et limites

Suivre une licence pour tenter le concours vétérinaire n’est pas un « plan B » mais une alternative porteuse de sens, en particulier pour ceux qui cherchent une formation plus généraliste, ou à mûrir leur projet professionnel avant d’opter clairement pour la filière vétérinaire.

  • Avantage : la licence universitaire permet une mobilité éventuelle. En cas d’échec, l’étudiant préserve la possibilité de se réorienter en master, en école d’ingénieur, ou vers d’autres filières scientifiques (santé, enseignement, recherche, industrie…).
  • Environnement différent : une vie étudiante typique de l’université, avec moins d’esprit de compétition qu’en prépa, plus d’autonomie requise et une variété d’enseignements (sciences, langues, projet tuteuré).
  • Réseaux et expériences diversifiés : les stages universitaires offrent une première immersion en laboratoire ou en entreprise, ce qui peut enrichir le dossier et le projet professionnel lors des oraux.
  • Difficulté : comme la préparation au concours B se fait parallèlement à la licence, l’encadrement dédié est plus faible qu’en classe prépa. La rigueur, l’auto-formation et l’anticipation sont indispensables.
  • Plus rare en région : toutes les universités ne proposent pas des licences parfaitement compatibles avec le concours vétérinaire ; il convient de se renseigner précisément sur les options, modules et UE proposés dans chaque établissement.

Profil type et conseils de réussite : le témoignage des étudiants et enseignant·e·s

Le jury des ENV cherche des candidats engagés, dotés d’une solide culture scientifique et d’un projet professionnel cohérent. Les étudiants admis via la voie universitaire partagent souvent plusieurs caractéristiques :

  • Passion et détermination : la démarche, parfois perçue comme moins "académique", doit être portée par une authentique motivation scientifique, vétérinaire et sociale.
  • Capacité à organiser son travail, à rechercher l’information, à s’exercer – seul, en petits groupes, avec ou sans tutorat.
  • Une ou plusieurs expériences concrètes en lien avec le secteur vétérinaire (stages auprès de vétérinaires praticiens, associations animales, laboratoires…)
  • Goût pour l’interdisciplinarité, essentielle pour les épreuves écrites et orales.
  • Bons résultats dans les unités d’enseignement scientifiques clés (biologie animale, éthologie, biochimie…).

Nombre d’enseignants universitaires encouragent les étudiants motivés à diversifier leurs expériences (stages, bénévolat…), à s’informer tôt sur les attendus du concours B, et à solliciter l’aide de leurs professeurs pour préparer les épreuves orales – parfois plus déstabilisantes que prévu.

L’association AFVE SNB (Association Française des Voies Alternatives d’Entrée aux Écoles Nationales Vétérinaires) propose également des ressources et du partage d’expérience en ligne.

Réalités du terrain : chiffres, parités, et diversité sociale

La diversification du recrutement constitue un enjeu majeur pour une profession en mutation. Le concours B permet, chaque année, un accès plus large à des étudiants issus d’horizons géographiques et sociaux variés – même si cette démocratisation est encore incomplète :

  • Environ 29% des nouveaux étudiants vétérinaires admis en 2023 sont passés par une autre voie que la prépa BCPST, toutes filières confondues (source : ONIRIS, chiffres de rentrée 2023).
  • Proportion de femmes : la promotion vétérinaire reste majoritairement féminine (plus de 80% en 2024, toutes voies confondues – source : SNVEL), mais la voie universitaire ne modifie pas fondamentalement cette tendance.
  • Concernant la mixité d’âges et de parcours, les ENV souhaitent inciter davantage de profils « atypiques », mais la limite d’âge du concours B freine cette évolution.

Un rapport du Sénat (2021) souligne par ailleurs le besoin d’ouvrir plus largement le concours vétérinaire à des bacheliers non scientifiques, ou ayant réalisé une première expérience professionnelle – le débat reste vif.

Zoom sur le ressenti des étudiants passés par la licence

Dans les écoles vétérinaires, les étudiants issus de la voie B témoignent d'une adaptation rapide mais décrivent parfois des difficultés à rattraper certains aspects pratiques (travaux manuels, manipulations animales, etc.) initialement moins développés à l’université. En revanche, leur polyvalence scientifique et leur aisance à l’oral sont généralement saluées. Certains estiment que la licence universitaire développe aussi une pensée critique précieuse tout au long du cursus vétérinaire.

Une enquête menée en 2022 par le think tank Vétos d’Avenir (Panel de 500 étudiants) mentionne que 68% des étudiants issus de licence recommanderaient ce parcours à des candidats motivés, à condition d’accepter de construire seul leur « environnement de préparation » pour le concours.

Suggestions pratiques pour maximiser ses chances depuis l’université

  • Se documenter chaque année sur le contenu précis des épreuves du concours B et sur la liste actualisée des licences admises : les modalités évoluent régulièrement.
  • Identifier, dès la L2, les UE prérequises et construire des dossiers d’option s’y rapportant.
  • Prendre contact avec des anciens lauréats de la voie B pour bénéficier de leurs retours et obtenir des conseils ciblés. Quelques groupes spécialisés existent sur les réseaux sociaux et forums étudiants.
  • Multiplier les expériences sur le terrain animalier et en laboratoire : elles enrichiront aussi bien le dossier que la réflexion éthique et professionnelle indispensable à l’oral.
  • Ne pas sous-estimer la charge de travail du concours, notamment les matières parfois moins familières comme les statistiques.

Vers de nouveaux équilibres dans la formation vétérinaire française ?

La question de l’accès à la profession vétérinaire via la licence universitaire reflète l’ouverture progressive d’un secteur historiquement cloisonné. Cette diversification s’inscrit dans des enjeux éducatifs (formation des citoyens scientifiques), sociaux (égalité des chances), et sanitaires (apporter de nouveaux profils en santé publique).

Dans les années à venir, la capacité du système à valoriser la pluralité des parcours, mais aussi à accompagner équitablement les étudiants de la voie universitaire pendant leur préparation et après leur intégration en école, constituera un levier essentiel pour la qualité et l’inclusivité de la profession vétérinaire.

L’intégration par la licence ne détourne pas du soin animal : elle invite à penser le vétérinaire de demain comme un acteur aux multiples facettes, formé à l’université comme en prépa, prêt à relever les défis actuels – et futurs – du vivant.

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