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Vétérinaire pour animaux de compagnie : au-delà du soin, un rôle de sentinelle et de médiateur

4 juin 2025

Comprendre l’évolution du métier de vétérinaire pour animaux de compagnie

Quel est le quotidien d’un vétérinaire spécialisé dans les animaux de compagnie aujourd’hui ? Poser la question, c’est soulever toute la complexité d’un métier en pleine transformation, qui ne se résume plus à l’acte médical stricto sensu. La profession, historiquement associée à la médecine rurale, a vu sa composante “animaux de compagnie” croître de façon spectaculaire en France. En 2022, près de 50 % des vétérinaires en exercice en France étaient principalement orientés vers les animaux de compagnie (Ordre National des Vétérinaires), contre 38 % quinze ans plus tôt.

Longtemps perçue comme une “sous-branche” du secteur vétérinaire, cette spécialité s’est imposée, portée par l’explosion du nombre d’animaux de compagnie dans les foyers : la France compte plus de 22 millions de chiens et chats, soit un foyer sur deux. Mais la réalité du métier va bien au-delà de la consultation vaccinale ou de la stérilisation. Le vétérinaire pour animaux de compagnie doit aujourd’hui composer avec des attentes sociétales inédites, une évolution législative rapide et une demande croissante pour des soins de haute technicité.

Quelles sont les missions d’un vétérinaire pour animaux de compagnie ?

Le cœur du métier reste bien sûr le soin, mais il ne s’y limite plus. Le vétérinaire joue un rôle transversal :

  • Diagnostic et traitement des maladies : de l’identification des pathologies les plus courantes (dermatite, otites, troubles digestifs) aux urgences vitales et gestes chirurgicaux techniques (chirurgie des tissus mous, orthopédie, oncologie).
  • Prévention et suivi sanitaire : campagnes de vaccination, conseils nutritionnels, dépistage précoce, gestion des maladies chroniques, lutte contre l’obésité croissante (près d’un tiers des chiens et chats en France sont en surpoids, selon l’AFVAC).
  • Accompagnement du lien homme-animal : appui aux propriétaires dans l’éducation comportementale, la prévention des risques (morsures, zoonoses), le vieillissement ou encore la fin de vie des animaux.
  • Rôle de sentinelle en santé publique : surveillance des zoonoses, gestion des animaux errants, déclaration des maladies à déclaration obligatoire (rage, leishmaniose, leptospirose…), traçabilité des mouvements d’animaux, soutien à la lutte contre la maltraitance.
  • Sensibilisation et pédagogie : information sur la bientraitance, la réglementation, l’adoption responsable.

Depuis 2015 et la loi reconnaissant l’animal comme un “être vivant doué de sensibilité” (article 515-14 du Code civil), le vétérinaire doit également s’attacher à une certaine éthique, arbitrant entre l’intérêt de l’animal, celui du propriétaire et celui de la société.

Compétences et formation : de la médecine à la communication

La formation vétérinaire en France est l’une des plus exigeantes (5,5 à 7 ans d’études après le baccalauréat), intégrant un solide socle scientifique, une pratique clinique et des stages en structures variées. Mais au fil des années, les compétences requises se sont fortement diversifiées :

  • Compétences médicales pointues : imagerie avancée, anesthésie sécurisée, médecine interne, gestion des poly-traumatismes, soins intensifs. Beaucoup de vétérinaires sont désormais capables de réaliser des actes aussi sophistiqués qu’en médecine humaine (IRM, endoscopies, chimiothérapie), ce qui attire une clientèle en quête de solutions parfois très spécialisées (Cf. protéines de la recherche en cancérologie vétérinaire, source : Le Monde Sciences).
  • Cas particuliers et éthique professionnelle : gestion de l’euthanasie, prise en charge des abandons, décisions médicales complexes où l’avis du vétérinaire, du client et les intérêts de l’animal peuvent diverger.
  • Communication et psychologie du client : empathie, pédagogie, gestion du stress et de l’anxiété, accompagnement du deuil, gestion des situations conflictuelles lors d’un pronostic réservé ou d’une euthanasie.
  • Gestion d’entreprise : management d’équipe, gestion financière, RH, conformité aux normes et législation (suivi des ordonnances, gestion de la pharmacie vétérinaire, RGPD, traçabilité des déchets biomédicaux).

Organisation du travail et réalités du quotidien

Sur le terrain, le vétérinaire pour animaux de compagnie alterne entre consultations programmées et urgences, diagnostics, interventions chirurgicales, gestion du suivi client et administration. Les journées peuvent être longues (plus de 54 % des praticiens travaillent au moins 45 heures par semaine selon une enquête SNVEL 2022), avec des pics d’activité lors des vacances ou des périodes “à risques” (allergies printanières, intoxications estivales ou campagnes de vaccination).

  • En structure individuelle (cabinet, souvent un vétérinaire et un ASV - auxiliaire spécialisé vétérinaire).
  • En clinique ou centre hospitalier vétérinaire : travail en équipe pluridisciplinaire, rotations de gardes, accès à des équipements lourds (scanner, bloc opératoire…).
  • Consultations spécialisées (dermatologie, cardiologie, comportement, médecines alternatives, etc.) ou permanences mobiles (vétérinaires “à domicile”).

Une réalité d’aujourd’hui touche également le bien-être des soignants : la profession vétérinaire compte parmi les plus exposées au burn-out (étude ONV 2021), une problématique qui mobilise de plus en plus de structures et de réseaux d’entraide.

Rapport au client : conseiller, éducateur, médiateur

La consultation ne se limite plus à une relation soignant-soigné. Les vétérinaires sont confrontés à des propriétaires de plus en plus informés, parfois anxieux, régulièrement porteurs de prescriptions ou de diagnostics trouvés sur internet. Selon un sondage Ipsos 2022, 87 % des propriétaires d’animaux recherchent d’abord sur Google avant de contacter leur vétérinaire.

Face à cette réalité, le vétérinaire devient :

  • Conseiller de confiance : décoder le vrai du faux parmi les informations disponibles, prévenir les dérives (automédication, recours aux faux remèdes), expliquer les soins.
  • Éducateur sanitaire : lutter contre la désinformation, insister sur l’intérêt du suivi vaccinal, de l’identification, de la prévention parasitaire.
  • Accompagnateur social : aider à la prise de décision (chirurgie lourde, arbitrage entre qualité de vie et survie), soutenir lors de situations émotionnelles difficiles (fin de vie, séparation, pathologies incurables).

Cet aspect de médiation est de plus en plus présent, et la gestion des conflits ou de l’insatisfaction nécessite des compétences parfois très éloignées de la médecine pure.

Nouveaux enjeux : médecine vétérinaire, société et éthique

Le vétérinaire pour animaux de compagnie évolue dans un contexte où l’animal, jadis perçu comme un “bien meuble”, est aujourd’hui envisagé comme un membre à part entière de la famille. Cela soulève de nouveaux enjeux :

  • Accessibilité des soins : face à l’augmentation des tarifs liés à la technicité des actes, la question du “droit à la santé” animale fait débat. 40 % des propriétaires renoncent parfois à des soins pour des raisons économiques selon une étude Santévet 2021. Le développement des mutuelles santé animale progresse chaque année mais reste minoritaire.
  • Lutte contre la maltraitance et l’abandon : près de 100 000 animaux abandonnés chaque été en France (SPA, 2023), question de l’accès aux soins pour les animaux errants ou en refuge, rôle du vétérinaire dans la détection de la maltraitance (obligation de signalement renforcée depuis la Loi du 30 novembre 2021 sur la maltraitance animale).
  • Bioéthique et limites de la médecine : recours à des techniques lourdes (prothèses, chimiothérapie, soins palliatifs), enjeux de l’acharnement thérapeutique, réflexion sur la qualité de vie de l’animal et le sens du soin.

Innovation et avenir du métier

La pratique vétérinaire est l’une des plus réactives en matière d’innovation :

  • Télémédecine et digitalisation : consultations à distance, suivi des pathologies chroniques via applications, intelligence artificielle pour l’aide au diagnostic (projets pilotes comme Vetolib ou TeleVET déjà actifs en France : Le Point Vétérinaire).
  • Progrès thérapeutiques : immunothérapie contre certains cancers, régénération tissulaire, nouveaux anti-inflammatoires “biologiques” pour limiter les effets secondaires, progrès en anesthésie et en monitoring.
  • Démocratisation de la médecine préventive : campagnes de stérilisation, identification électronique étendue, lutte contre l’antibiorésistance (conformément au plan EcoAntibio 2).
  • Vétérinaires référents et délégation à l’équipe : création de postes d’ASV spécialisés, de coordinateurs de soins, modèles inspirés du fonctionnement hospitalier humain pour optimiser la qualité de l’accueil et du suivi.

Perspectives et enjeux à partager

Le métier de vétérinaire pour animaux de compagnie, loin de se limiter à la simple consultation ou au geste technique, incarne désormais une véritable mission de veille et d’accompagnement sociétal. Il cristallise nombre de réflexions anthropologiques et éthiques sur notre rapport à l’animal, à la santé et à la notion même de bien-être.

La profession doit aujourd’hui relever plusieurs défis : attractivité des carrières, accessibilité des soins pour tous les animaux, évolution constante des besoins de formation, affirmation de son rôle pivot dans la chaîne de santé publique (“One Health”), responsabilité en matière de bientraitance, sans oublier la préservation de l’équilibre personnel du soignant.

Nul doute que le dialogue entre vétérinaires, propriétaires et pouvoirs publics sera décisif dans la construction de l’avenir du métier. Si la technicité progresse, l’enjeu humain reste central : faire du cabinet vétérinaire un espace de confiance, d’accompagnement, et, surtout, un maillon déterminant pour la santé… “du vivant tout entier”.

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