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Vétérinaires d’aujourd’hui : les nouveaux champs d’action d’une profession en pleine transformation

2 juin 2025

Un métier pluriel au cœur des enjeux du vivant

Depuis les années 2000, la profession vétérinaire n’a jamais semblé autant en mouvement. Si l’imaginaire collectif s’arrête souvent à la clinique pour animaux de compagnie, le champ d’action du vétérinaire s’étend désormais à une diversité de secteurs, à la croisée de la santé animale, humaine et environnementale. Selon l’Ordre National des Vétérinaires, la France compte en 2024 plus de 19 000 vétérinaires inscrits, dont près de 65 % exerçant majoritairement auprès des animaux de compagnie (Ordre National des Vétérinaires). Derrière ces chiffres se cachent des missions, des expertises et des parcours très variés.

Au quotidien : la polyvalence en clinique pour animaux de compagnie

La pratique en clinique pour chiens, chats et NAC (nouveaux animaux de compagnie) demeure le principal domaine d’exercice vétérinaire. Les généralistes prennent en charge la prévention (vaccinations, conseils nutritionnels, gestion du vieillissement), la médecine interne et la chirurgie générale, mais aussi l’accompagnement en fin de vie, secteur en demande croissante. Depuis l’explosion de la médicalisation des animaux de compagnie, notamment suite à la pandémie de COVID-19 et l’essor des adoptions (+8 % d’animaux adoptés en 2020, selon la Facco), la prise en compte du bien-être, de la douleur et du comportement a pris une ampleur inédite.

  • Des expertises en évolution : dermatologie, cardiologie, ophtalmologie, cytologie, anesthésie et imagerie médicale (IRM, scanner).
  • La collaboration pluridisciplinaire : nombreux cas complexes nécessitent le recours à des vétérinaires spécialistes référents, renforçant le travail en réseau.
  • L’exigence d’humanisation des soins : les propriétaires attendent un accompagnement global, faisant émerger de nouveaux axes : suivis comportementaux, gestion personnalisée du stress, télémédecine vétérinaire (L’ADN).

Santé animale rurale : plus qu’un métier, un pilier du territoire

Le vétérinaire en rural, loin d’être cantonné à la « vache et au tracteur », occupe un rôle charnière dans l’élevage, l’économie et la sécurité alimentaire. Intervenant auprès des bovins, ovins, caprins mais aussi de la filière avicole ou porcine, il conjugue actes médicaux, chirurgie, gestion de la reproduction, conseils en biosécurité, suivi des pathologies d’élevage et veille épidémiologique.

  • Une expertise sanitaire stratégique : la surveillance de maladies réglementées (tuberculose, brucellose, FCO…) et des crises sanitaires récurrentes (influenza aviaire, peste porcine africaine), fait du vétérinaire un acteur clé des plans de lutte et d’alerte précoce.
  • Innovation et management : le vétérinaire agit aujourd’hui en conseil de troupeaux, gestion de biosécurité, accompagnement dans la réduction de l’usage des antibiotiques, développement de la santé unique (« One Health »).

Sur certains territoires ruraux, la pénurie de vétérinaires est un enjeu majeur. En 2021, il manquait environ 100 à 200 praticiens en campagne selon le rapport de l’IGAS/IGF. Ce déficit structurel contraint l’organisation du maillage sanitaire et impacte la résilience des productions locales.

Santé publique vétérinaire : à l’interface de la société et des risques émergents

Un vétérinaire sur dix se consacre à la santé publique et à la fonction publique (Ordre National des Vétérinaires). Ces missions couvrent des champs essentiels, parfois méconnus.

  • Sécurité sanitaire alimentaire : inspection des abattoirs, contrôle des denrées animales, gestion des risques de toxi-infections alimentaires collectives.
  • Gestion de crises zoonotiques : contribution majeure pendant la COVID-19, la grippe aviaire ou la rage (en France, 60 % des maladies émergentes sont zoonotiques selon l’AFSSA).
  • Santé environnementale : contrôle de l’antibiorésistance, diagnostics d’écotoxicologie, expertise dans la prévention des risques liés à la faune.

Depuis 2022, la France compte 4 500 vétérinaires fonctionnaires, dont de nombreux agents du ministère de l’agriculture, de l’ANSES et des agences sanitaires européennes.

Vétérinaire comportementaliste : comprendre l’animal dans sa globalité

La médecine vétérinaire comportementale, discipline longtemps marginalisée, s’affirme face à des problématiques croissantes d’agression, d’anxiété, et d’inadaptation comportementale en milieu domestique. Les troubles du comportement sont la première cause d’abandon de jeunes chiens, d’après la SPA.

  • Diagnostic différentiel entre trouble médical, éducatif et pathologique.
  • Mise en place de thérapies comportementales et médicamenteuses.
  • Collaboration avec éducateurs et éthologues.

La reconnaissance de la spécialisation en médecine vétérinaire du comportement (DESV) reste récente, mais répond à une demande sociétale forte autour du bien-être et de la cohabitation interspécifique.

Refuges et associations : des vétérinaires au front du bien-être animal

Le rôle du vétérinaire dans les refuges, SPA et associations de protection animale a pris une importance capitale avec l’accélération des abandons (+15 % entre 2020 et 2023, SPA). Au-delà des soins de base (identification, vaccination, stérilisation), il sauve des animaux polytraumatisés, considère leur réhabilitation comportementale, assure l’expertise sanitaire en contexte de collectivité où les risques infectieux sont démultipliés.

  • Gestion de l’urgence sociale : augmentation du nombre d’animaux de fourrière non adoptés, lutte contre la maltraitance, conseils aux familles en difficulté.
  • Coopération avec les pouvoirs publics : respect de la réglementation (loi Dombreval 2021), gestion des reprises et confiscations judiciaires d’animaux.

Vétérinaires et faune sauvage : entre médecine et écologie

En France, seules quelques dizaines de vétérinaires se consacrent pleinement à la faune sauvage (ONCFS, parcs animaliers, centres de soins spécialisés). Leur double compétence en biologie sauvage et médecine vétérinaire les place à l’interface entre conservation, gestion des crises sanitaires (épidémies de myxomatose, peste porcine, grippe aviaire chez les oiseaux migrateurs), et interventions sur la biodiversité en lien avec les enjeux climatiques.

  • Soins, réhabilitation et relâcher en milieu naturel d’animaux sauvages blessés ou malades.
  • Suivi sanitaire des populations libres : analyses épidémiologiques, suivi des zoonoses (ex. surveillance de la rage chez la chauve-souris).
  • Contribution à des programmes de sauvegarde d’espèces menacées (lynx, vautour, cistude d’Europe).

Cette activité demande des connaissances approfondies en écologie, législation, gestion du stress animal et techniques de capture non traumatisantes.

Industrie pharmaceutique et agroalimentaire : le vétérinaire en entreprise

Près de 7 % des vétérinaires travaillent dans l’industrie (Le Point Vétérinaire). Ils sont recrutés dans la R&D, l’assurance qualité, la pharmacovigilance, le marketing et le management. Leur expertise est capitale dans la mise au point de vaccins pour animaux, l’évaluation de la sécurité des aliments (contrôle des abattoirs, cahiers des charges des labels), le suivi des procédés de fabrication selon les normes sanitaires internationales.

  • Missions-clés dans le médicament : essais cliniques, suivi d’efficacité et de sécurité des antiparasitaires, gestion des alertes pharmaceutiques (rappel de lots).
  • Rôle dans l’agroalimentaire : développement de produits nutritionnels, contrôle vétérinaire de la chaîne de transformation des produits animaux (viande, lait, œufs).

Devenir vétérinaire chirurgien : une spécialisation aux multiples défis

La chirurgie vétérinaire est un domaine d’expertise exigeant, nécessitant un internat puis un résidanat ou un diplôme européen/diplôme d’état. Le vétérinaire chirurgien pratique des procédures complexes — orthopédie, neurochirurgie, microchirurgie — ou des interventions d’urgence.

  • Maîtrise des gestes techniques et gestion des complications.
  • Capacité à innover : recours aux implants, à la chirurgie mini-invasive (endoscopie, arthroscopie), développement de la chirurgie oncologique.
  • Travail en équipe pluridisciplinaire : anesthésistes, infirmiers vétérinaires spécialisés, radiologues.

La spécialisation est en pleine expansion, pour répondre à une croissance de la demande (+35 % d’actes de chirurgie avancée entre 2015 et 2022 selon l’SNVF). Seuls 3 % des vétérinaires français sont spécialistes qualifiés en chirurgie.

Nutrition animale : une discipline en essor et enjeux de santé globale

Avec 80 millions d’animaux de compagnie en France (Facco), la demande d’expertise nutritionnelle explose. Le vétérinaire nutritionniste intervient dans :

  • Bilan diététique personnalisé pour animaux de compagnie ou de sport.
  • Gestion de pathologies nutritionnelles (obésité, diabète, maladies rénales).
  • Conception d’aliments spécifiques ou de régimes ménagers adaptés.
  • Conseil aux entreprises agroalimentaires sur la formulation et la sécurité des aliments.

La prévalence du surpoids concerne 40 % des chiens et chats en France (source : AFSA 2022), avec des conséquences majeures sur la santé, la longévité et le coût des soins.

La médecine équine : haute technicité et enjeux sportifs

La filière équine — 1 million de chevaux et 30 000 éleveurs — mobilise 7 % des vétérinaires en France (IFCE). Les besoins spécifiques (suivi sportif, imagerie avancée, gestion des blessures orthopédiques, reproduction assistée, suivi des maladies infectieuses et traumatologiques) requièrent une expertise pointue.

  • Évolution des pratiques : recours à l’échographie 3D, prise en charge des chevaux d’élite (concours, course, élevage), gestion du dopage.
  • Accompagnement des évolutions réglementaires (traçabilité, lutte contre les maladies émergentes comme la rhinopneumonie équine).
  • Médiation entre propriétaires, entraîneurs et sociétés hippiques dans des contextes souvent très exigeants.

Ouverture : une profession en mutation, au service de la santé globale

Que ce soit en ville, à la campagne, en laboratoire, dans une ONG ou une start-up, la palette des métiers vétérinaires n’a jamais été aussi riche. D’autres spécialisations mériteraient d’être citées : anesthésie, cardiologie, médecine interne, gestion de la faune marine, expertise judiciaire, enseignement ou encore recherche fondamentale. Avec le défi croissant des maladies émergentes, du bien-être animal et des transitions agroécologiques, la profession devra continuer à se réinventer tout en restant fidèle à son engagement pour la santé des animaux, des humains et de l’environnement.

Pour les générations à venir, ces transformations sont surtout une promesse : celle de pouvoir bâtir une carrière sur mesure, à la croisée de tant de passions et d’expertises. Et de continuer à nourrir le dialogue entre la société et ceux qui veillent, chaque jour, sur le vivant.

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